Le Golfe de Saint-Tropez cherche à loger ses saisonniers
Première destination touristique de France hors Paris, le département du Var a enregistré 80 millions de nuitées en 2023 (source : Observatoire Var Tourisme). Popularisé par Brigitte Bardot et une pléiade de stars internationales depuis les années 60, le Golfe de Saint-Tropez n'a cessé d'augmenter son offre d'hébergement hôtelier pour profiter de cette manne touristique. Chaque été, campings, villages vacances et hôtels de tout standing font le plein. Destination mondialement connue qui attire les foules en quête de farniente sous le chant des cigales, la Presqu'île tropézienne doit faire face à une excroissance annuelle de sa population en été. La seule commune de Saint-Tropez passe ainsi de 4 000 habitants à 100 000 au plus fort de la saison. Au milieu de ces régiments de vacanciers en tongs, le personnel des hôtels et restaurants a bien du mal à trouver un logement convenable en termes de salubrité, de confort et de prix. L'hébergement entame une grande partie du revenu et du moral des saisonniers. La motivation pour postuler aux offres s'en ressent. La création de logements décents et abordables est un des leviers prioritaires pour soutenir ces métiers en tension. Une étude de l'Agence d'urbanisme de l'aire toulonnaise et du Var (AUDAT Var) menée en octobre 2022 fait ressortir un besoin de 640 logements sur le territoire.
Les collectivités sous pression
Parallèlement aux dispositions gouvernementales destinées à soutenir l'emploi saisonnier (voir paragraphe suivant), les collectivités tentent d'utiliser les outils réglementaires dont elles disposent pour accélérer la création des logements manquants pour prévenir une baisse de la manne touristique liée à la pénurie de main d'œuvre. On craint aussi de perdre la labellisation station touristique. Celle-ci permet aux communes de bénéficier d'avantages précieux comme le surclassement démographique, la majoration de l'indemnité des maires et adjoints, la perception directe de la taxe sur les droits de mutation lorsque la population communale est inférieure ou égale à 5000 habitants ou encore la possibilité d'implantation de casinos pour les villes situées au bord de l'eau comme les stations balnéaires de la côte varoise.
Saint-Tropez et Ramatuelle en quête de solutions
Tête de gondole de la presqu'île, la ville de Saint-Tropez souhaite engager une modification du PLU afin de permettre la réalisation d'un programme de construction d'une résidence de 322 logements entièrement dédiée aux travailleurs saisonniers. Le programme est porté par Tamaris Holding, société dans laquelle sont associés l'homme d'affaires Stéphane Courbit avec sa holding Lov Group, propriétaire de l'hôtel 5* La Messardière et Olivier Lefebvre, directeur de l'hôtel 5* du Cheval Blanc, également directeur général adjoint de LVMH Hospitality Excellence. Selon les termes de l'enquête publique menée en septembre 2023, les deux établissements à l'initiative de ce projet sont parmi les plus pourvoyeurs d'emplois saisonniers. La commune voisine, Ramatuelle, souhaite constituer une réserve foncière afin de créer "un pôle de logements pour travailleurs saisonniers". Pour ce faire, la municipalité a lancé une procédure d'expropriation d'un camping situé dans le quartier de l'Escalet en juin 2022. Fermé depuis plusieurs années, l'établissement qui appartenait au Comité Inter Entreprises des usines Delle (90) a été acheté par David Luftman, PDG des Prairies de la Mer, à Grimaud en novembre 2021. Son nouveau propriétaire souhaitait en faire "un hôtel de plein air chic et écologique". Son projet est suspendu. Une enquête d'utilité publique sera menée du 22 février au 8 mars 2024.
Un plan gouvernemental pour répondre à la pénurie de main-d'œuvre
Les projets de création d'hébergements pour saisonniers vont pouvoir bénéficier de différentes incitations gouvernementales. Celles-ci ont été listées dans une feuille de route en faveur de l’emploi des saisonniers pour la période 2023-2025. Elle prend 15 engagements afin de permettre "à chaque saisonnier de pouvoir vivre de son travail, de se former et de se loger correctement". Le logement est visé par sept de ces 15 engagements. Il est notamment proposé de créer une plateforme recensant les offres de logements pour les saisonniers dans les parcs publics, associatifs ou sociaux. Ces offres sont également désormais publiées sur la plateforme mes aides. Depuis l'été 2023, l’État a aussi ouvert 1 300 chambres universitaires des CROUS et des bailleurs sociaux à la location dans les grandes villes à proximité des pôles touristiques les plus importants. Il a aussi mis en place une exonération de l'impôt sur le revenu, sous conditions, pour les produits de location de meublés ou de chambres par des particuliers et encourage les agréments de résidences et de logements relevant de l’article 109 loi ELAN* pour les jeunes saisonniers dans les zones touristiques. Les préfets de département accompagnent la signature de nouvelles conventions entre les bailleurs et les CCAS dans les communes particulièrement concernées par des enjeux de logements des saisonniers. L'État envisage enfin d'étendre aux saisonniers, la caution Visale garantie par Action Logement.
*L’article 109 de la loi ELAN rend possible la réservation de tout ou partie de programmes de logements locatifs sociaux « ordinaires » à des jeunes de moins de 30 ans pour des contrats de location d’une durée maximale d’un an, renouvelables dès lors que l'occupant continue de remplir les conditions d'accès à ce logement. Tous les programmes de logements locatifs sociaux sont concernés par cet article.